Reporter-Photographe

Derrière les images

J’aimerai vraiment être transparente… Mais je ne le suis pas !

J’aimerai vraiment être transparente… Mais je ne le suis pas !

J’ai pour habitude de dire que pour réaliser encore plus efficacement mon métier de photographe, j’aimerai être transparente, pour n’avoir absolument aucun impact sur le quotidien de ceux que je suis. Seulement voilà, je ne suis pas transparente, et à priori ça ne sera jamais le cas. Alors je suis bien obligée de faire tout mon possible pour perturber au minimum l’organisation et l’activité de ceux que je suis.

Être autonome, porter mon matos, être assez bien préparée et avoir suffisamment la caisse pour suivre partout, « en tout temps, en tout lieux » … sans ralentir trop mes sujets. Et je me dis souvent que je pourrai m’entraîner plus pour être encore meilleure dans cet aspect là de ma pratique.

[Ref: 4321-23-0109]

EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 18/11/2021 | Focale: 85mm | ISO: 2000 | Ouverture: ƒ/4 | Vitesse: 1/250s |

Et puis de temps en temps j’ai l’opportunité de croiser d’autres utilisateurs d’appareils photo, un peu particuliers, qui ne font pas vraiment le même genre d’images que moi, et qui -pour le coup- ont vraiment érigé la discrétion au rang d’alpha et d’omega de leur pratique photo ! Et je ne peux rien faire d’autre que leur témoigner mon admiration, bien consciente de la difficulté de faire des images dans des conditions techniques aussi compliquées… tout en restant, toujours, absolument invisibles pour l’objet de leur intérêt !

L’archipel de Svalbard

L’archipel de Svalbard

Le Saviez-vous ? Avec un tout petit millier d’habitants sur tout l’archipel de Svalbard (au noooord !), ce territoire pourtant particulièrement hostile compte sur les doigts d’une seule main ses secouristes professionnels !

La sécurité et le secours sont donc -littéralement- la fonction de chacun sur l’île (un peu comme dans la marine ou tout le monde est forcement » pompier » avec son autre affectation à bord) notamment par le biais de la Croix Rouge.

Avant le retour du soleil, et les arrivées massives de touristes venus pour admirer les ours polaires, la Croix Rouge organise donc de grands exercices pour maintenir les compétences de ses bénévoles et leur permettre d’être à l’aise avec l’emploi des importants moyens matériels mis à leur disposition par le gouverneur de Svalbard.

[Ref: 3212-01-2607]

EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: NIKON D700 | Date: 11/02/2012 | Focale: 24mm | ISO: 1000 | Ouverture: ƒ/4.5 | Vitesse: 1/80s |

Sur cette photo, vous voyez donc en plus du rescue-man (pro) de l’hélico, une réceptionniste et un technicien de l’université … Un autre lieu, et un tout autre esprit !

Faut-il parler manif avec un chercheur en sciences sociales ?

Faut-il parler manif avec un chercheur en sciences sociales ?

Il y a quelques mois j’accordais plusieurs heures de mon temps à une future historienne qui réalisait son mémoire sur l’évolution de la photographie de manifestation en France.

J’étais la première surprise de cet appel : je ne suis pas photojournaliste et je ne vends pas d’image à la presse… Il n’empêche que oui, je fais partie de la petite poignée de photographes-auteurs qui documentent régulièrement ce sujet.

J’ai donc pris le temps d’expliquer à mon interlocutrice mon positionnement, le pourquoi de mon focus sur les forces de l’ordre. En effet, ce dernier est dans le  prolongement de mon travail de reportage sur l’engagement des femmes et des hommes qui ont fait le choix de servir : policiers, pompiers, militaires…

Faire des photos de contestations sociales est pour moi un moyen de documenter l’action de certaines de ces personnes (les CRS et mobiles) dans ce qui est l’essence de leur métier: le maintien de l’ordre. C’est aussi un moyen de prendre le contrepied de mes collègues « photographes militants » qui pour certains revendiquent faire cela « pour raconter les violences policières ». Cependant, de mon côté, je cherche aujourd’hui à documenter la violence que doivent affronter les forces de l’ordre et le contexte général dans lequel ils exercent leur travail. Ainsi, au travers de la pluralité des regards des photographes présents à une manif, j’aime à penser que les historiens de demain pourront mieux se figurer la complexité de ces moments très particuliers.

[Ref: 1418-18-1016]

EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 24/11/2018 | Focale: 28mm | ISO: 4000 | Ouverture: ƒ/4 | Vitesse: 1/8000s |

Par la suite, je lui ai également précisé que « non, mon travail ne portait pas préjudice aux photojournalistes ». En effet, je préférais les laisser saturer les boîtes mails et répondeurs des icono afin qu’ils essayent de placer une photo qui leur serait au mieux rémunérée 20 euros. Mais que dans ma position, plus confortable, de « photographe d’action », des entreprises pratiquant des tarifs plus respectueux me contacteraient à plus long terme. Me permettant ainsi de rentabiliser le temps que j’y avais passé, je ne suis pas philanthrope.

J’ai donc eu la désagréable surprise il y a quelques jours de recevoir le mémoire de mon interlocutrice et d’y lire que, seule photographe-auteur interviewée, j’avais « une vision marketing de la manifestation » là où les nombreux autres journalistes interrogés avaient un positionnement éthique et moral… 3 heures d’explications, de précisions, de réponses en toute transparence aux questions posées se résument donc à : une vision MARKETING. Ainsi soit-il !

Cette désagréable mésaventure ne m’empêchera donc ni de dormir, ni de continuer à faire mon travail dans le respect de qui je suis et pas de ce que certains aimeraient bien que je sois. Je continuerai à parler avec les nombreux historiens avec qui j’ai le privilège d’échanger régulièrement. Cependant, cet échange ne m’empêche pas de m’interroger sur ce tropisme qu’ont certains représentants des sciences sociales de dénigrer systématiquement ce qui n’est pas conforme à leur système de valeur.

Et je continuerai à photographier les manifs ! #PunkIsNotDead

Un stagiaire ELD en sortie de caisson Fireflash

Un stagiaire ELD en sortie de caisson Fireflash

L’image était belle. J’ai hésité à prendre cette photo, puis j’ai encore hésité à la retenir dans ma sélection, et à la diffuser. Et puis je l’ai fait (avec l’accord du pompier photographié, quand même..) car il me semblait important de montrer l’état de fatigue de ceux qui ressortent d’un caisson feu après un brûlage. 

Nous sommes à peu près au milieu du stage de formation initiale ELD (Exploration Longue Durée) de la BSPP. Et comme les formateurs sont eux-mêmes ELD, il n’est pas question pour eux d’être « sympa » avec les stagiaires, mais de leur présenter des ateliers « réalistes ». Les binômes de stagiaires ont donc forcé des portes sous ARI en tenue de feu complète, puis réalisé tout un parcours encombré dans les infrastructures du fort de Villeneuve-Saint-Georges, toujours sous ARI. Et enfin, ont enchaîné avec une vingtaine de minutes à prendre le chaud dans le caisson fireflash. 

[Ref: 2421-06-0309]

EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 31/05/2021 | Focale: 58mm | ISO: 200 | Ouverture: ƒ/6.3 | Vitesse: 1/50s |

En sortant du caisson, il n’y a plus aucune « grande gueule » dans l’équipe pour faire des blagues, les regards sont hagards et ce sont leurs collègues « encore frais » qui leur donnent de l’eau et les installent à l’ombre…

Non, je ne photographie pas les filles !

Non, je ne photographie pas les filles !

Je revendique être photographe professionnel, et pas professionnELLE puisqu’il s’agit de mon métier, et pas de mon genre. Et mon métier c’est de photographier l’engagement de professionnels, pas leur genre.

Bien sûr, j’ai été agréablement surprise d’apprendre il y a quelque temps que la gendarmerie mobile comptait des femmes sous-officiers dans ses rangs. Tout naturellement, j’ai compris aussi les propos des communicants et autres chargés de recrutement qui souhaitaient « mettre en avant » ces premières femmes pour donner l’envie et l’inspiration à d’autres de les suivre.

Mais tout cela ne change rien à ma position : je photographie des gendarmes mobiles dans les conditions réelles d’exercice de leur métier. Ce qui veut dire parfois en manifestation, dans des conditions rares de stress, de violence et de danger… et parfois sous les protections, le casque lourd et le bouclier, il y a une femme. Ça n’en devient pas mon sujet pour autant : je trouverai toujours qu’il est plus intéressant de raconter l’engagement d’une personne plutôt que son patrimoine génétique !

Maintien de l’ordre de la manifestation organisée à Lyon dans le cadre de l’acte 14 des manifestations de gilets jaunes le 16 février 2019. [Ref: 1419-09-0078]

EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 16/02/2019 | Focale: 24mm | ISO: 1600 | Ouverture: ƒ/4 | Vitesse: 1/25s |