Reporter-Photographe

Derrière les images

Une histoire de chasseurs alpins !

Une histoire de chasseurs alpins !

Je ne saurai prétendre à une quelconque objectivité quand on parle de chasseurs de lapins. Oui, j’ai grandi à Grenoble, et oui quand enfant, je me tirais la bourre avec mon frère à qui descendrait le plus vite le schuss des dames, il m’est arrivé d’indiquer aux jeunes mecs qui montaient en peau de phoque sur le bord que « vous savez, juste derrière les arbres il y a un tire-fesse » ce qui en général déclenchait l’hilarité de la troupe -et me permettait de leur taxer des pâtes de fruits-.

Alors forcément, quand je les vois descendre la plus belle avenue du monde dans leur plus belle tenue immaculée pour le 14 juillet, forcément, je fais des photos… ça fait partie des sujets non négociables les chasseurs alpins sont les plus beaux… et belles ! 

[Ref: 4010-11-0019]

EXIF | Appareil: NIKON D200 | Date: 14/07/2011 | Focale: 300mm | ISO: 200 | Ouverture: ƒ/5.6 | Vitesse: 1/1000s

Je ne suis pas une nana intéressante !

Je ne suis pas une nana intéressante !

Le salon Milipol la semaine dernière a été l’occasion d’entendre nombre de remarques quant au fait de faire mon métier en étant une femme : était-ce un avantage ou un inconvénient ?

Pourtant, mes interlocuteurs ont pu remarquer que si je ne venais certes pas en pantalon de combat (ce qui n’aurait pas grand intérêt pour arpenter les allées du hall d’exposition) je n’avais pas non plus adopté le doublé mini jupe-escarpins employée par certaines pour tenter de retenir l’attention de leurs interlocuteurs masculins.

En effet, je ne pense pas que ma tenue au salon Milipol présente la moindre importance pour mes interlocuteurs. Je ne crois pas non plus que mon genre féminin ait spécialement d’intérêt pour mes sujets de reportage. Tout au plus, cela est-il évoqué quand il s’agit d’organiser un couchage et qu’on apprend avec soulagement que la sportive baroudeuse que je suis croise des hommes en caleçon sur un tatami trois fois par semaine depuis vingt ans sans en être spécialement traumatisée pour autant.

Non, ce qui fait du sens aux yeux de ceux qui m’accueillent, c’est de savoir :

  • Que quand il s’agit de faire des photos de plongeurs et que l’eau est fraîche : j’enfile la combi et je suis capable d’attendre dans l’eau en grelottant plusieurs heures pour faire ma photo. 
  • Que je chausse les skis de rando et les peaux quand il faut suivre des chasseurs alpins sans demander à ce qu’on me promène en motoneige comme le font certains de mes « collègues » journalistes. 
  • Que je me lève tôt et que je marche de longues heures chargée comme un mulet avec mon propre matos.
  • Que s’il le faut, je crache mes poumons et pleure toutes les larmes de mon corps dans les fumigènes… 
  • Que je mets la tenue de feu et que je me fais chauffer la couenne en caisson fireflash « comme un pompier moyen », et pas juste 5 minutes le temps de dire « je l’ai fait » pour poster un selfie sur Instagram.

Ce que mes sujets savent de moi, et ce qui me vaut d’être particulièrement bien accueillie en reportage, c’est que je m’engage totalement et complètement pour mon travail…

Ce qu’ils savent, c’est qu’au final ça fait de belles photos.

Tout le reste n’a que peu d’intérêt.

Un déluge de végétaux volatiles

Un déluge de végétaux volatiles

Nous sommes en 2011, le G8 est organisé par la France à Deauville et inévitablement, un important dispositif de sécurisation est mis en place par les forces de sécurité intérieures.Les formations aériennes de gendarmerie sont mises à contribution : leurs lieux de posés ont été choisis sur des vues satellites, puis reconnues par des gendarmes venus en véhicule s’assurer qu’elles étaient dégagées et permettaient le posé en toute sécurité.

Cela n’empêche pas les pilotes venus en renfort de Villacoublay de venir « tester » les DZ…

[Ref: 1211-05-0061]

EXIF | Credit: SANDRA CHENU GODEFROY | Appareil: NIKON D700 | Date: 25/05/2011 | Focale: 19mm | ISO: 100 | Ouverture: ƒ/11 | Vitesse: 1/125s |

J’avais remarqué en arrivant que « ça sentait bon l’herbe » et pour cause, le propriétaire du terrain avait -plein de bonnes intentions- passé la tondeuse deux jours plus tôt pour que tout soit nickel. Et ce qui devait arriver, arriva. Avec l’effet de souffle, toutes les pailles coupées décollent et s’éparpillent partout dans un déluge de végétaux volatiles. Au delà du gag (il y avait bien sûr dans le coin quelques chefs en grande tenue qui ont été un peu chiffonnées, et quelques voitures dont les fenêtres étaient ouvertes) je vois se dessiner sous mes yeux, dans des conditions certes bien moins dramatiques, une photo mythique de la guerre du Vietnam, celle d’un Bell UH1 prise par Henri Huet à Saïgon en 1967. J’ai nettement moins de mérite que lui, mais je ne vais pas bouder mon plaisir: de toute façon j’étais déjà transformée en bonhomme cetelem ! 

« Tes clients savent qu’ils te payent à faire du sport ? »

« Tes clients savent qu’ils te payent à faire du sport ? »

Mes journées commencent souvent avec les reproches de collègues et néanmoins amis m’engueulant gentiment. En effet, lorsqu’ils m’appellent avant 10h du matin, je suis en pleine séance de sport et ils passent systématiquement leurs premières minutes à parler seuls le temps pour moi de reprendre mon souffle…

C’est donc, à 10 heures, sport fini, douchée et rassasiée par mon petit-déjeuner que ma journée de travail « normale » peut commencer. Avant cela, c’est sport. Ce qui me fait donc consacrer 2h par jour, 6 jours par semaine, à l’entretien de ma condition physique. Est-ce beaucoup ? Oui. Est-ce trop ? Non, assurément non.

Peu de gens s’imaginent justement ce que peut être mon métier de photographe d’action. En effet, c’est vrai sur le papier ça claque, et c’est également un travail que je n’échangerai pour rien au monde… Enfin, tant que j’aurai l’énergie pour le faire. Et la nuance est là : les aspects sympas de ce métier ne l’amputent pas de sa rudesse intrinsèque ! Si je veux photographier des hommes dans des conditions extrêmes, je dois les affronter moi aussi !

Certes, je bénéficie souvent de petits aménagements ou de facilités, j’ai souvent un équipement plus léger, je peux obtenir de l’aide pour passer certaines difficultés ou encore éviter des obstacles.

Cependant, de mon côté, je dois être capable :

– D’emporter mon matériel photo

– De penser aux cadres et aux réglages techniques de mon boîtier. Comme il s’agit de choix conscients et volontaires, cela m’oblige donc à être en permanence dans l’anticipation et l’observation de l’action.

– Et enfin, ce qui n’est pas la moindre des contraintes qui s’imposent à moi, je dois être capable de positionner mon appareil, et donc mon corps, là où je pourrai réaliser la photo que j’ai en tête ou celle « qui pourrait arriver ».

[Ref: 2421-06-3128]

EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 03/06/2021 | ISO: 800 | Vitesse: 1/30s |

Il est donc absolument capital que mon cerveau reste assez oxygéné, peu importe l’effort en cours, pour être capable de réaliser cette part de réflexion qui me permettra de réaliser une vraie photo de photographe, décidée et choisie et pas « une belle photo par hasard une fois sur 100 au pif ».

Il est donc essentiel que mes jambes me portent avec mon matériel, me permettant de poser un genou à terre, ou les deux. Que ce soit pour un angle particulier sur l’action que je photographie, pour qu’elles me relèvent ou encore qu’elles me permettent d’être tantôt en avance ou tantôt en retard sur ceux que je souhaite immortaliser afin de varier les cadres.. Et oui, parfois, ça pique !

Alors vu ainsi, 12 heures par semaine à faire du cardio et du travail musculaire, c’est juste le minimum et ça n’est certainement pas du temps perdu !

* Mes clients sont parfaitement conscients que pour faire une belle photo de pompiers ELD dans un caisson fireflash, il faut avoir la caisse! Ils savent donc aussi qu’il est préférable de m’appeler après 10 heures du matin. 🙃

Le temps d’une photo !

Le temps d’une photo !

Il me faut admettre que cette photo n’est pas la plus lisible à mon répertoire. Nous sommes en plein mois de février sur le lac d’Annecy où les plongeurs de la SRIO du 2ème Régiment Étranger de Génie s’entraînent. D’un point de vue opérationnel, ils privilégient le fait d’arriver de nuit pour être moins visibles. Ils s’entraînent donc dans les même conditions, ce qui forcément, ne va pas faciliter mon travail: le ponton du club de plongée est dans une des zones les plus sombres du lac, et par souci de discrétion, les plongeurs sortent de l’eau le moins possible, au tout dernier moment. 

[Ref: 4319-07-0956]

EXIF | Credit: Sandra Chenu Godefroy | Appareil: Canon EOS 5D Mark III | Date: 14/02/2019 | Focale: 28mm | ISO: 800 | Ouverture: ƒ/5.6 | Vitesse: 30s | Copyright: Sandra Chenu Godefroy - Photographe d'action |

Je m’organise quand même, en positionnant des flashs déclenchés par radio, et en obtenant du binôme de plongeurs que « pour la photo » ils n’arrivent pas cachés dans l’ombre du ponton. L’eau est bien évidemment particulièrement froide, il n’est donc pas question de ralentir la manœuvre ou de la refaire, je n’aurai qu’un passage. Et ce qui devait arriver… dans l’obscurité, alors que je positionne un de mes flashs sur une plateforme flottante à proximité j’entends un plouf. C’était la télécommande de mon boîtier photo ! Les plongeurs sont déjà immergés, je ne peux plus faire machine arrière, je n’ai plus qu’a faire avec ce que j’ai. Je me retrouve donc à déclencher manuellement mon appareil photo sur pied pour un temps d’exposition de 30 secondes en faisant le pari que quand les plongeurs apparaîtront j’aurai le temps de me rendre jusqu’à mes flashs déportés pour les déclencher manuellement. Quand je vais au résultat, la boule au ventre, ça passe, et les deux éclairs successifs ont permis de fixer les plongeurs qui avançaient dans 2 positions différentes tandis qu’ils se rapprochaient de la berge !