Reporter-Photographe

Derrière les images

2/2 Comment se faire payer des photos volées sur le web ?

18/08/2017

Comme précisé dans la première partie de cet article consacré au vol de photos certaines personnes et entreprises, de plus ou moins bonne foi, ont tendance à voir le web comme un vaste espace de non droit dans lequel se servir en toute liberté.

Fort heureusement, ça n’est pas le cas. Vous pouvez mettre des photos sur internet pour assurer la promotion de votre travail sans de facto autoriser n’importe qui à s’en servir pour n’importe quoi. Il faut juste savoir qu’à part les auteurs, tout le monde n’est pas forcément au courant, mais dura lex, sed lex -la loi est dure, mais c’est la loi- c’est comme ça !

Pourquoi après vous avoir proposé une première solution à moindre coût dans un premier article, continuer à vous en proposer une autre ? Et bien simplement parce que le web est vaste, et savoir où, quand et par qui des images à vous sont publiées n’est pas forcément chose facile !

Retrouver la trace de ses photos volées sur le web

La première source d’information concernant les contrefaçons, et la plus lucrative pour moi, c’est les copains ! Qui m’annoncent que « tiens c’est ta photo qui fait la couverture du catalogue de untel » ou « félicitations pour ta publi chez XXX » et qui parfois -trop souvent hélas- me l’apprennent ! Mais le web est tellement vaste qu’il faut un peu plus que de seuls amis et de la bonne volonté !

C’est ainsi que j’ai découvert à l’occasion d’un salon de la photo le service Pixtrakk. Ils sont français, cocorico, et vous vous en êtes peut-être doutés vu le nom, il font partie de la galaxie Pixpalace etc. On m’avait présenté alors le concept du service, avec une offre de test sympa à 49 Euros pour la première année.
Le voici dans les grandes lignes, d’abord le photographe rentre des miniatures de ses images dans le portail en ligne du logiciel Pixtrakk. Le logiciel parcourt ensuite le web en permanence et quand il trouve une reproduction de la photo il annonce au photographe un « match ». Au photographe de vérifier ensuite dans l’interface Pixtrakk si c’est bien sa photo qui est reproduite.

Mais il faut dire ce qui est: depuis 2 ans que j’utilise ce service, j’ai n’ai eu quasiment aucun faux-positif, et le logiciel a même retrouvé des photos qui avaient été particulièrement photoshoppées.

J’ai trouvé des photos volées avec Pixtrakk, et ensuite ?

Dans l’interface Pixtrakk, vous êtes libre de choisir la suite que vous souhaitez donner à un « match »: vous pouvez valider l’usage (si c’est votre site internet, ou celui d’un client qui vous a payé la photo par exemple) ou le classer en tant que délictueux et alors vous fixez vous même le montant d’une telle utilisation avec un coefficient punitif x2, x3 ou x4 (forcément quand on demande à l’auteur avant, c’est moins cher!).

Cette deuxième solution vous intéressera assurément plus si votre objectif est de vous faire payer vos photos. Les règles du jeu sont simples: comme dans la solution de recours à la SAIF vous n’avez rien à avancer et Pixtrakk se rémunère sur les sommes récupérées.

Pixtrakk étant une société commerciale, les pourcentages ne sont pas les mêmes qu’avec une societé d’auteur: l’auteur se fait rémunérer 60% de la somme récupérée hors frais d’avocats et Pixtrakk conserve les 40% restants.

Comment sont payés les avocats alors ?

Pixtrakk fait appel au cabinet Harley avocats pour s’occuper des dossiers délictueux. Ceux-ci n’étant pas non plus des bénévoles, ils adressent au contrefacteur un courrier leur demandant de payer à la fois le montant de votre indemnisation (celle que vous avez demandé en classant le dossier délictueux) et leurs frais d’avocats. Et quand ça marche, les avocats encaissent le chèque du contrefacteur, prélèvent leurs frais, puis reversent l’indemnisation à Pixtrakk, qui se charge de reverser elle-même au photographe ses 60%.

Parlons gros sous alors

Est ce que ça vaut le coup ? Je dirai que le principal avantage de Pixtrakk c’est la recherche en ligne automatisée de vos photos: ça c’est vraiment génial ! Après le fait de pouvoir transformer dans une seule interface en ligne un usage délictueux en une procédure, pour les gens fainéants dans mon genre qui ne veulent pas particulièrement « s’en occuper » c’est bien pratique.

D’autant que, et c’est l’autre gros avantage de Pixtrakk selon moi, vous avez la possibilité d’appliquer votre propre grille de tarifs pour votre indemnisation. En fonction de l’entreprise, l’usage, le contexte etc. cela peut parfois créer de grosses variations avec le tarif prévu par la SAIF.

Mais il faut être au courant que quand j’ai parlé de délais « longs » pour la SAIF, ceux de Pixtrakk sont loins d’être « courts » et qu’il faut bien compter 6 mois entre le moment où le cabinet d’avocat récupère votre chèque et le moment où Pixtrakk vous demande votre facture (qui est réglée très rapidement à ce moment là, de ce coté là rien à dire!)… Et que vous faites appel à des structures qui elles aussi doivent faire leurs marges et qu’à ce jeu là, vous n’êtes pas celui qui gagne le plus d’argent dans la procédure!

Prenons un exemple concret

Quasiment dans la foulée de mon premier abonnement au service, une de mes photos les plus piratées est reprise par un journal local en ligne: je leur réclame 360 Euros (soit un tarif normal de 120E et un cofficient X3 pour absence de crédit et usage non-autorisé). On reconnaîtra tout de même que le journal en question n’a pas tergiversé, aussitôt le premier courrier d’avocat envoyé, il s’est acquitté de la facture. Facture qui s’est élevée à 660 Euros hors taxes (vous comprendrez donc comme moi que les avocats ont facturé leur temps de travail 300 Euros et je vous épargne les 132 Euros versés au titre de la TVA à l’état). Après un délai conséquent (7 mois) Pixtrakk m’a réglé 216 Euros et a donc prélevé 144 Euros.

Je récapitule:
300 euros frais d’avocats + 144 euros frais Pixtrakk + 216 euros DA photographe

Loin de moi l’idée de dire que le travail de ces gens ne mérite pas d’être payé, en revanche il me semble important de voir quelles sont les proportions attribuées à chacun.
Et de noter, que les 216 Euros perçus correspondent à 180% de ce qui aurait été mon tarif si le site web m’avait contacté normalement pour une cession normale donc je suis moi aussi gagnante à cette solution.
Pour ma part, en tant que vilaine capitaliste j’ai fait le choix de conserver les deux solutions: en regardant au cas par cas qui de la plus petite part d’un plus gros gâteau, ou de la plus grosse part d’un plus petit remplirait le mieux mon frigo… de plus, je pense que le seul service de tracking en ligne des images vaut le prix d’un abonnement à Pixtrakk (qui passe à 99 euros après la première année). Mais je laisse chacun libre de ses choix !!

Quelques statistiques avec Pixtrakk quand même

Depuis quasiment 2 ans de Pixtrakk (et plusieurs milliers de match qu’il a fallu contrôler un par un, ce à quoi je passe en moyenne 4h/mois) j’ai classés 30 match en « délictueux ». On pourrait penser que c’est assez peu: en fait, je me charge personnellement de remonter les bretelles aux adolescents pré-pubères des blogs et autres insta/snap/facebook, en considérant qu’une leçon et une bonne frayeur sont nettement plus productifs pour l’avenir de ces jeunes et du web.

De ces 30 matchs délicteux, Pixtrakk a choisi d’en confier 14 à ses avocats et d’abandonner 16 matchs, sans m’en avoir donné la raison. J’ai tout de même remarqué qu’il s’agissait souvent de sites étrangers où il n’etait pas forcément facile de trouver un responsable de la publication.

De ces 14 matchs confiés aux avocats, 4 ont abouti à un paiement du contrefacteur et 10 dossiers ont été cloturés sans paiement. De ce coté là les avocats ont toujours spécifié dans la console d’administration du match le pourquoi de la cloture: parce qu’il n’a pas été possible de trouver/contacter le contrefacteur le plus souvent.

Concernant ces 4 matchs qui ont été payés les avocats ont obtenu 2378 Euros là où j’avais demandé 2538 Euros. On peut donc considérer qu’à quelques petites négociations près, les avocats recouvrent les sommes demandées

Comme certains d’entre vous sont pas des fanas de maths je vais vous épargner le calcul, j’ai donc touché 60% x 2378 = 1427 Euros en 2 ans. Desquels, en toute honnêteté, je dois retrancher 49 + 99 Euros d’obonnement annuel, ce qui fait donc 1279 Euros. Ce n’est donc pas ce qui me permettra de vivre pendant 2 ans, mais c’est pas rien tout de même, et puis: faire savoir à des gros nazes que « non ce qui est sur internet n’est pas gratuit » ça n’a pas de prix !!
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Fumigènes de la Patrouille de France [Ref:3511-19-0270]

Voici ma photo la plus piratée… je sais même pas si je dois en être fière ou en pleurer, toujours est-il que très peu de gens ont pu prendre en photo la Patrouille de France ce jour là avec cet axe là… c’est donc un très mauvais choix pour les contrefacteurs ! [Ref:3511-19-0270]

Alors voilà, à vous de vous décider, vous êtes auteurs de vos images, n’attendez pas pour vous les réapproprier, le droit d’auteur vous le permet !

Pour ceux qui souhaiteraient s’abonner à Pixtrakk, je vous conseille de passer les voir au salon de la photo pour bénéficier de leur offre promo à 49E la première année.
UP: sinon j’ai trouvé un code de parrainage en bas d’un de mes relevés Chenu_000201 si il marche encore vous bénéficierez de la première année à 49E, et moi d’une ristourne de 20% sur mon prochain abonnement
*mais je ne sais pas si il fonctionne encore et je n’assurerai pas pour autant le SAV donc inutile de m’écrire si ça ne marche pas 😉*

Sandra Chenu Godefroy, photographe indépendante

Sandra Chenu Godefroy

Photographe

Spécialisée dans les images de secours, défense, sécurité, et d’aéronautique. Fille sérieuse qui se prend pas au sérieux.

J’exploite honteusement Tigrou, mon assistant en peluche, et j’adore mon métier, même si c’est pas toujours facile !