Quel est le prix d’une photo ?
Je suis confrontée bien plus souvent qu’à mon tour à des sollicitations d’entreprises ou d’agences de communication me proposant d’utiliser mon travail à vil prix « libre de droits bien sûr »… quand on ne me propose pas carrément de « faire (m)a promotion en mettant en avant (m)on travail sur les réseaux sociaux / le site web / les murs de l’entreprise XXXX !«
Il y aurait tellement à raconter… mais je vais vous parler de plus surprenant encore. Accrochez-vous.
Je suis contactée régulièrement par des familles de militaires/policiers/pompiers, parfois en direct, parfois par le biais d’intermédiaires. A chaque fois la même demande « Pourrait-on vous acheter la photo XXXX que vous avez faite à telle ou telle occasion » et ma réponse est toujours: pourquoi faire? #Normal » … parce que c’ est mon fils/frère, il n’est plus là, mais j’aimerai avoir cette image dans l’album de famille »
Le choc bien sûr, d’apprendre que ce petit gars dont j’ai forcément encore quelques souvenirs qui me reviennent, celui-là n’est plus. Ils me paraissent alors tous, toujours, beaucoup trop jeunes pour être déjà partis, mais c’est ainsi.
Ce qui me choque le plus dans ces cas là, c’est que pas une seule fois ces proches endeuillés ne m’ ont contactée pour obtenir gracieusement ces photos. Pas une seule.
Et pourtant, il y en a eu quelques uns, hélas..
Attristés par la disparition de leur proche, aucun n’envisagerait que la photo de celui qu’ils ont aimé ne soit gratuite. Bien sûr, comment pourrait-il en être autrement ? Elle a une valeur inestimable à leurs yeux ! Je suis moi aussi fille de, sœur de, femme de, et je serai prête à ce titre à payer fort cher les images qui fixent le souvenir de ceux que j’ai chéris.
Pour autant et précisément parce que je suis fille de et femme de il me semblerait particulièrement amoral de faire payer ces sentiments et émotions à des personnes touchées par le deuil.
C’est précisément parce que ces photos sont inestimables pour ces gens qu’elles n’ont pas de prix et que je ne peux que les donner.
Alors autant vous dire que quand je reçois le message de *Jean-Rémi startup-nation happiness-manager sup’ de com’ * me demandant à l’œil le fruit de mon travail, j’ai toutes les peines du monde à ne pas faire le parallèle, entre ce que des personnes qui seraient éminemment légitimes ne se permettent pas de demander et ceux que rien n’étouffe…
Donc oui, je ne laisse pas n’importe qui faire n’importe quoi avec l’image des gens qui m’ont accueillie. Et oui, je suis une photographe chère car la qualité se paye et mes clients achètent ma grande exigence envers moi-même quant à mes productions. C’est normal.
Et non, je ne fais pas d’argent sur le dos des familles endeuillées de ceux qui m’ont accueillie dans leur quotidien avec bienveillance. C’ est normal aussi. Si vous ne comprenez pas ça, il est inutile que nous envisagions de travailler ensemble.
Sinon, si comme moi vous aimez les histoires d’hommes (et de femmes), et cette matière humaine si vivante et formidable, parfois imparfaite, souvent impressionnante; si vous êtes convaincus de tout ce que l’humain apporte à chaque système, fût-il le mieux rodé ou le plus technologique; si vous voulez raconter l’histoire de ces gens là: vous savez où me trouver.